PANORAMA 8
présumés coupables
2 juin
— 15 juil. 2007

Du 2 juin au 15 juillet 2007
Chaque année, Panorama (c’est la huitième édition) apporte son lot de réussites, d’étapes provisoires, de promesses, et de préfigurations.
L’idée de Panorama est simple : mettre des jeunes artistes en situation de s’essayer, pour la plupart d’entre eux, à leur première expérience d’exposition collective. Un premier bain professionnel en somme. Ils traduisent collectivement les préoccupations du temps en s’imprégnant des modes et simultanément en réagissant aux facilités des images imposées. Depuis dix années, j’ai compris Le Fresnoy comme une institution encourageant et nourrissant la maturité, un accélérateur des potentiels plutôt qu’une école dispensatrice de savoirs achevés. Ces jeunes artistes sont aussi des étudiants : ils résument ce dont ils se sont enrichis par le compagnonnage d’artistes expérimentés. A l’inverse, ces étudiants qui séjournent sont pleinement des artistes : ils exposent une œuvre qui leur ressemble, qui dit une part de leur urgence d’expression, une œuvre offerte à l’appréciation d’un public visiteur et au jugement critique, et plus seulement soumise à l’évaluation des maîtres.
C’est cette sorte de dialectique qui spécifie Le Fresnoy et la préparation de l’exposition annuelle Panorama. A cette tension féconde que les autres commissaires des éditions précédentes de Panorama ont dû ressentir également, s’ajoute une impression de “saisie photographique” de l’actualité artistique. Ces installations, ces performances et ces films présentés cette année, donnent, comme les années passées, une traduction aigue d’obsessions et d’engagements, y compris en n’échappant pas à certains tics et clichés d’une époque. En fait, c’est ainsi, par la participation à une exposition, que les promotions deviennent des “générations”.
Coupables d’être artistes
Fort heureusement, les années passeront et le souvenir d’une inconcevable procédure judiciaire s’estompera. Ceux et celles qui en furent inquiétés et blessés[1], retrouveront la paix professionnelle, et eux-mêmes se retourneront sur un cauchemar lointain. Pourtant, rappelons le, il exista en 2006 des gens de loi disponibles pour recevoir les doléances de personnes “présumées outragées”, mystérieux visiteurs agressés par les images d’une exposition, prétendument inconvenantes ou douteuses, visiteurs dont la mémoire était bien imprécise sinon défaillante. Pourtant cela suffit, renforcé par la paranoïa pédophilique récente, à déclencher une action en justice contre le directeur d’une institution muséale et ses commissaires d’exposition.
Celle-ci se déroulait à Bordeaux en 2000, au CAPC, et confrontait des images reflétant les frontières de la représentation de l’innocence enfantine, les contrées secrètes de l’inconscient où la pureté se conjugue avec la ruse séductrice. Bref, d’anciennes interrogations, relancées par le siècle romantique et symboliste – de Shelley et Goethe à Lewis Carol, d’Andersen à Oscar Wilde – puis par le siècle qui connut la découverte de l’inconscient. Des artistes réfléchissaient donc en 2000 sur les reflets contradictoires qu’émettent les images de l’enfance et de l’adolescence dans l’organisation sociale contemporaine et l’expression du désir que cette organisation réglemente et promeut par l’éducation entre autre. Et l’art actuel s’en préoccupe, témoigne, enseigne, divertit, se moque. Les fonctions de l’art en somme…
L’exposition était drôle et intempestive, sinon caustique, et constituait une réponse finalement, et peut-être paradoxalement “moralisante” face à l’hémorragie des sources d’images pornographiques auxquelles les tendres têtes blondes ont accès dans le dos des vertueux parents plaignants, puritains sots qui engagèrent une procédure de justice. Ou serait-ce au contraire des malins, dangereux provocateurs dotés de secrets soutiens ayant permis la mise en examen des respectables responsables du CAPC ?
Les travaux des promotions Sartre-Beauvoir et Nam June Paik révèlent de précoces agitations de l’âme chez ces jeunes artistes. Bien que rien n’évoque un quelconque sulfure icono-idéologique, affirmons le d’emblée : tout chez chacun d’entre eux appelle à les présumer coupables !
Coupables d’impertinence à l’égard du monde tel qu’il tourne et coupables d’utopie pour souhaiter qu’il change, coupables d’ambition pour trouver une place au sein de la créativité de ce début de siècle, coupables de futilité à vouloir s’inventer ainsi dans des actes – ceux de l’art – si peu “rentables”, coupables d’audace à se risquer prématurément à la confrontation avec leurs semblables, coupables de tenter une compétition pacifique au moyen d’armes formelles avec l’envie de surcroît d’un résultat collectif qui dépasse l’affirmation narcissique… Coupables enfin, ces artistes le sont en voulant enfreindre des règles de bonne conduite artistique ou transgresser quelques tabous avec le prétexte de l’art.
Dominique Païni, mars 2007
Les artistes
Yves ACKERMANN, Agence Al Zur, Hakeem B, Cécile BEAU, Delphine de BLIC, Leslie BLOQUERT, Benoît BOURREAU, Torsten P BRUCH, David BURROWS, Sébastien CABOUR, Clément COGITORE, Benjamin CROTTY, Bertrand DEZOTEUX, Fanny DOUARCHE, Amel EL KAMEL, Carlos FRANKLIN, Michela FRANZOSO, Aurélie GARON, Ana Maria GOMES, Anthony GOUIN, Benjamin GOULON, Laura GOZLAN, Mihai GRECU, Jannick GUILLOU, Marie HENDRIKS, Hélène IRATCHET, Mickael KUMMER, Raphael KUNTZ, Sandra LACHANCE, Jean-Jacques LEBEL, Laetitia LEGROS, Yann LEGUAY, Zhenchen LIU, Vincent LOUBERE, Dmitri MAKHOMET, Damien MANIVEL, Mehdi MEDDACI, Guillaume MEIGNEUX, Benjamin NUEL, Florian PUGNAIRE, Bertrand RIGAUX, Julien ROBY, Eléonore SAINTAGNAN, Momoko SETO, Raphaël SIBONI, Daan SPRUIJT, Florent TROCHEL
Accompagné·es pour l’année 2006/2007 par : Ryoji Ikeda, Joan Fontcuberta, Chantal Akerman, Bernard Cavanna, Daniel Danis, Daniel Dobbels, André S. Labarthe
Commissaires
Dominique Païni
Scénographe
Christian Kieckens
Partenaires de l’exposition
Groupe CMH, France Bleu Nord, Mouvement, Aaton / Grenoble, ACFX, L’Agence Culturelle d’Alsace, Agnès B., Centre des arts scéniques / Bruxelles, Centre de Développement Chorégraphique Toulouse / Midi-Pyrénées, Le CITF – Commission Internationale du Théâtre Francophone, Color by Dejonghe / Kortrijk – Belgique, La Commission Européenne FSE Objectif 3, La Communauté Urbaine de Strasbourg, Compagnie Daniel Danis, arts/sciences, Compagnie de l’Entre-Deux, La Condition Publique (Roubaix), CONFLUENCES, Maison des arts urbains (Paris), Conseil des arts du Canada, Les Coups de Théâtre / Montréal, Le CRAL (Genève) / SGB-FSS, Fédération Suisse des Sourds, C-SIDE productions, Danse à Lille / C.D.C. de Roubaix, Le deuxième souffle films et associés – Franck Vialle, Earthling Productions, L’Ecole Cantonale d’Art du Valais (Suisse), Ecole de danse du CCN Roubaix, Erac Cannes, Le Festival Latitudes Contemporaines / Lille, Fondation Pilar et Joan Mirò, Palma de Majorque / Espagne, La Fondation Royaumont / Asnières – sur – Oise, Forma / Londres, Forum Culturel Autrichien / Paris, Fujinon / France, Galerie Marian Goodman / Paris – New York, Le Grand Bleu / Lille, Hydravision / Tourcoing, L’Ircam, Kelvin, Kodak France, Lille Métropole Communauté Urbaine, Le Manège-Mons, Scène transfrontalière de création et de diffusion, Centre Dramatique/CECN, La Mairie de Lezennes, Le Musée archéologique de Bavay, ONL [Orchestre national de Lille], Post Logic – Autodesk, La Région Alsace, La Région Poitou-Charentes, La Rodchenko School of Photography /Russie, La Sacem, SDIGS / Douai, SGREG, Le Théâtre Paris Villette, La Ville de Sierre, V2_Institute, Rotterdam, Le Vivat – Scène conventionnée d’Armentières
© Unlith, Mihai Grecu, film, 2007, Production Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains