PANORAMA 12
Soft Machine
5 juil.
— 25 juil. 2010

Du 5 au 25 juillet 2010
« Le processus est plus important que le résultat. Quand c’est le résultat qui oriente le processus, on retourne toujours là où l’on a déjà été. Si c’est le processus qui commande, on ne sait peutêtre pas où l’on va, mais on sait que l’on a envie d’y aller. »
Extrait du Manifesto for Growth de Bruce Mau
Cette assertion pourrait être la devise du Fresnoy. Et si, lorsque je demande à Alain Fleischer de qualifier Le Fresnoy en un mot, celui-ci me répond « machine », c’est bien de « process » dont il parle car l’école est selon lui « une machine à produire ». Un process qui s’appuie sur des machines, des outils technologiques parmi les plus performants au monde pour l’image et le son et auxquels les artistes sont formés et ont accès à volonté.
Mais ces machines-là sont moins déterminantes pour la formation de étudiants artistes que la machine globale du Fresnoy que je qualifierai de « Machine Molle » comme l’on parle des « matières molles ». C’est à l’université d’Orsay, au début des années 1970, que Madeleine Veyssié introduisit le terme de matières molles pour désigner tout ce qui va des matières plastiques aux bulles de savon, en passant par les gels, les élastomères, les cristaux liquides, les crèmes cosmétiques, les boues, les pâtes céramiques, etc. Qu’ont donc en commun tous ces matériaux intermédiaires entre les liquides et les solides habituels, dont la liste peut paraître hétéroclite ? Est mou, bien sûr, un matériau qui se déforme beaucoup lorsqu’on appuie dessus. Les physiciens ont généralisé cet adjectif pour désigner toute matière dont la réponse à une sollicitation est grande.
La « machine molle » du Fresnoy est une machine des possibles, elle se nourrit de ces étudiants d’origines culturelles multiples, les nourrit à son tour et ensemble ils se forment, se déforment et se transforment. Elle s’alimente et s’active pour beaucoup avec les fluides de l’équipe pédagogique permanente qui est un modèle d’adaptation mais aussi d’énergie pour accompagner les étudiants aux profils si différents. Elle se meut parfois avec soubresaut quand les artistes enseignants invités (Luc Moullet, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, Hans Op de Beeck, Ulf Langheinrich, Jean-François Peyret, Scanner/Robin Rimbaud) d’horizons géographiques et intellectuels aussi différents que les étudiants y mettent leurs huiles.
Car Le Fresnoy est moins une école de pensée qu’une école de conduite. Elle n’impose aucun dogme, aucune esthétique mais cherche davantage à faire appréhender aux étudiants des processus de construction de l’œuvre à travers des multiplicités, des différences. Et, c’est la particularité du Fresnoy : proposer aux « artistes étudiants » comme principal enseignement de les « accompagner » à réaliser un projet c’est-à-dire une œuvre lors de chacune de leurs deux années d’études. Une œuvre présentée dans une exposition publique : Panorama. Une exposition qui porte bien son nom tant chaque année, et celle-ci n’y déroge pas, elle constitue un point de vue riche sur la création de jeunes artistes venant du monde entier.
Mais si les projets de ces jeunes artistes sont multiples, je suis frappé de voir combien une majorité ont un caractère « documentaire ». Cela est moins à mon sens un effet de mode que le sentiment pour ces jeunes artistes que l’art a responsabilité politique, sociale plus importante aujourd’hui qu’hier. Mais cette expression documentaire prend chez chacun des formes différentes et font de Panorama 12 une exposition qui résonne comme un chaos doux, une grande machine molle dans laquelle on se glisse et on ressort quelque peu transformé.
Fabrice Bousteau
Les artistes
Giacomo Abbruzzese, Shirin Abu Shaqra, Jean-Michel Albert, Balthazar Auxietre,
René Ballesteros, Lixin Bao, Neil Beloufa, Mohamed Bourouissa, Antonia Carrara,
Jean-Christophe Couet, Joseph David, Matthieu Adrien Davy de Virville, David De Beyter, Emad Aleebrahim Dehkordi, Camille Ducellier, Thomas Duquet, Tamara Erde, Dorian Gaudin, Eric Giraudet de Boudemange, Yakup Girpan, Viola Groenhart, Elika Hedayat, Mathilde Hess, Sébastien Hildebrand, Tessa Joosse, Atsunobu Kohira, Hayoun Kwon, Marikel Lahana, Manon Le Roy, Hee Won Lee, Oh Eun Lee, Simon Leibovitz-Grzeszczak, Thomas Lock, Jacques Loeuille, Alexandre Maubert, Léonore Mercier, Loukianos Moshonas, Benjamin Naishtat, Edgar Pedroza, Rossella Piccinno, Claire Pollet, Isabelle Prim, Matthieu Ravez, Sophie Sherman, Ula Sickle, Emmanuel van der Auwera, Jéro Yun.
Accompagné·es pour l’année 2009/2010 par : Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, Ulf Langheinrich, Luc Moullet, Hans Op de Beeck, Jean-François Peyret, Robin Rimbaud / Scanner
Commissaires
Fabrice Bousteau, Pascale Pronnier
Scénographe
Jacky Lautem
Partenaires de l’exposition
© Falling forward, Scanner, installation, 2010, Production Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains