L’ÉCRAN MENTAL

1 mars
— 27 avr. 2003

On pourrait situer Fabio Mauri entre le Nouveau Réalisme français et l’Arte Povera italien. Il serait le rare chaînon unissant ces deux mouvements qui ont connu peu de relations et de passeurs. Les collages, les manipulations d’affiches, les reports sérigraphiques, les projections, les matériaux naturels, les déchets de la consommation, les accumulations, le « bricolage » de matériaux industriels rappellent les deux mouvements confondus.

Du fait précisément de cette disparité, il est tentant de proposer un classement des travaux de Fabio Mauri. Hormis les grandes performances scénographiques, l’essentiel de l’œuvre est présent au Fresnoy. Il est ainsi possible de repérer les préoccupations essentielles de cet artiste, enfouies sous la diversité des œuvres, diversité qui constitua d’une part un véritable masque, brouilla toute appartenance à un courant d’art reconnu, et conjura d’autre part ce qui pouvait « réduire » l’œuvre à un seul message. Ces préoccupations pourraient se résumer en un mot : « le média ». J’écris attentivement le média en me gardant d’écrire les médias, même si en effet, Mauri envisagea fréquemment de commenter et de critiquer les médias modernes (les médias furent-ils autrement que modernes !) : la photographie de presse, le cinéma, la télévision, l’édition et la presse… Ces deux dernières n’échappèrent pas à cet artiste qui fut familier du monde de Bompiani et de Mondadori dès son enfance. Est-ce l’anecdote qui explique que des collages des années soixante fassent référence à la bande dessinée, aux fumetti. Le père de Fabio Mauri importa en effet en Italie « Mickey » et « Flash Gordon » dans les années trente et, dès cette époque, Mauri manipula ces images « déjà faites », véritables ancêtres de nos médias contemporains.

Mais ce ne sont pas seulement les médias, désignant depuis les années soixante-dix les canaux confondus de l’information et de la publicité, auxquels s’est intéressé l’artiste. C’est au média comme « matériau » auquel Mauri n’a cessé de réfléchir : de la toile à l’écran cathodique, de la lumière projetée au papier photosensible, dé l’écran de cinéma traditionnel aux corps des cinéastes eux-mêmes, des décalcomanies aux reports photographiques. Fabio Mauri questionne la transparence autant que l’opacité du média, son imperméabilité autant que sa capillarité, sa rigidité autant que sa souplesse. La série des Schermi montre tous ces états selon une exemplaire expérience haptique.

Dominique Païni

Les œuvres


The End, 1959 ; The Nursery News, 1960 ; Arcibaldo I, 1960 ; Arcibaldo II, 1960 ; Arcibaldo III, 1960 ; Coda gialla, 1960 ; Successo della morte di mio padre, 1964 ; Congrès sur la bombe “H”, 1964 ; Il Congresso, 1964 Marilyn 1965 ; Schermo, 1958 ; Schermo-Disegno, 1957 ; Schermi in legni bianchi, 1959 ; Schermo in legno nero, 1959 ; Schermo Disegno, 1960 ; Cinema e figura, 1960 ; Film, 1960 ; Schermo The End, 1959 ; Schermo disco nero o Michelin, 1960 ; Schermo con pubblico, 1962 ; Disegno Schermo Fine, 1963 ;
Drive in 2, 1962 ; Schermo verde, 1961 ; Sinatra, 1964 ; Marilyn, 1964 ; Schermo, 1972 ; Gioiello Laiback, 1971 ; Warum ein Gedanke einen Raum verspestet?, 1972 ; Manipolazione di cultura, 1976 ; Senza Ideologia, 1975 ; “Il Vangelo secondo Matteo” di/su Pier Paolo Pasolini, 1975 ; Linguaggio è Guerra, 1975 ; Roberto Bompiani – Autoritratto, 1999 ; Intellettuale, 1975 ; News from Europe/Vegetables, 1978 ; Entartete Kunst, 1985 ; Argentina 1, 1990 ; Compasso, 1990 ; La macchina, 1990 ; On the Liberty, 1990 ; Muro occidentale o del pianto, 1993 ; Pittura 2 , 1996 ; Le Grandi Carte ; Questo quadro è ariano, 1994 ; Arte Negre, 1994 ; Cultura e natura, 1973 ; La resa, 2002 ; Leçon d’anglais, 1970 ; Senza Ideologia, 1975 ; Schermo, 1958 ; Una Tasca di Cinema 1, 1958 ; Una Tasca di Cinema 2, 1958 ; Schermo, 1958 ; Tableau perdu, 1994 ; Multiple politico, 1974 ; Senza Ideologia, 1975

Commissariat


Dominique PAÏNI et Pascale PRONNIER


Autour de l'exposition :