DE MÉMOIRES

18 oct.
— 28 déc. 2003

Mémoire : ce mot ne cesse de résonner dans la langue d’aujourd’hui. Ses acceptions sont nombreuses. Ainsi y aurait-il des “ devoirs de mémoire ” : lyrismes consensuels, hommages respectueux, fabrication d’une histoire commune et normalisée. Ainsi y a-t-il les “ mémoires ” que l’on stocke dans d’incompréhensibles machines, que l’on diffuse au long d’interminables réseaux – mémoires codées, compressées, numérisées en quoi sont convertis les textes, les images, les sons et les chiffres, surtout les chiffres. “ Read Only Memory ” – ne lit que de la mémoire – : c’est que signifie le ROM de CD-ROM. Pendant ce temps,  musées et  bibliothèques sont devenus les exercices préférés des architectes et les symboles monumentaux des hommes politiques. Pendant ce temps, la commercialisation de morceaux de ces mémoires est devenue une industrie majeure, protégée par des lois de ce qui menace ses profits, la copie, la contrefaçon : encore des reproductions, encore des répétitions. En sommes-nous définitivement les consommateurs captifs ? Nos mémoires individuelles ont-elles été définitivement remplacées par une mémoire universelle et anonyme ?

L’exposition De mémoires ne prétend pas faire l’inventaire, ni l’analyse, de toutes ces acceptions du mot : ce serait là travail d’anthropologie, d’économie politique et de sociologie. Elle ne veut que réunir, pour qu’elles agissent ensemble, des œuvres contemporaines qui, de façons différentes, mettent en cause ou en pratique une ou plusieurs de ces mémoires. Nul médium visuel ne devait être tenu à l’écart, tant il est clair que le phénomène les affecte tous, cinéma, vidéo, photographie, peinture, dessin. Mais la question n’était pas non plus celle d’une illusoire exhaustivité. Aussi a-t-on choisi, délibérément, d’inviter un nombre réduit d’artistes actuels dont les œuvres présentées ont, par des voies singulières, à voir avec une mémoire, qu’elle soit historique, politique, artistique, intime ou inconsciente. On s’apercevra du reste que cette classification n’est qu’indicative et trop simple, car elle veut séparer ce qui est indissociablement lié, isoler ce qui doit demeurer complexe et impur – ainsi qu’il en est dans la mémoire de chacun d’entre nous, heureusement désordonnée, heureusement encore libre de produire ses associations propres, de creuser ses profondeurs étranges. Heureusement libre de mal se souvenir, de déformer, d’oublier.            

Philippe Dagen

Les artistes


Christian BOLTANSKIi, L’album de la famille D., 1971
Pascal CONVERT, Direct/Indirect 1, 1997 ; Direct/Indirect 2, 2003 ; Appartement de l’artiste, 1996-2000 ; Native Movies, 1996-1999 ; La Madone de Benthala, 2002
Vincent CORPET, Série Mémoires de la suite Analphabètes, 2003 ; 3079 P 16 V 03, 2003 ; 3082 P 22 V 03, 2003 ; 3087 P 4 VI 03, 2003 ; 3088 P 5 VI 03, 2003 ; 3090 P 10 VO 03, 2003 ; 3091 P 111 VI 03, 2003 ; 3092 P 12 VI 03, 2003 ; 3093 P 16 VI 03, 2003 ; 3094 P 17 VI 03, 2003 ; 3096 P 23 VI 03, 2003 ; 3098 P 26 VI 03, 2003 ; 3101 P 30 VI 03, 2003 ; 2928 P Mars-Avril-Mai 00, 2000
Marc DESGRANDCHAMPS, Sans titre, 2002 ; Sans titre 2003 ; Qu’est-ce qui est arrivé ?, 2003 ; Sans titre, 1988-1990
Jean-Luc GODARD, Liberté et patrie, 2002 ; The old place, 1999
Frédérique LOUTZ, Planisphère, 2000 ; Cochons, 2003 ; Mobile, 2000 ; Le rêve des sentiers, 1996-2003 ; Sans titre, 1998
Chris MARKER, Silent Movie, 1995 ; Immemory
Robert MORRIS, White Nights, 2000-2001
Sigmar POLKE, Jeux d’enfants, 1988 ; À Versailles, À Versailles, 1988 ; Rouleaux papier motifs Révolution I, 1989 ; La barrière, 1985 ; Flüchtende, 1992
Sophie RISTELHUEBER, La Campagne, 1997 ; Irak, 2001
François ROUAN, Roses, 2003 ; Roses turques, 2003 ; Ash Babies, 1998-2002

Commissariat


Philippe DAGEN


Autour de l'exposition :